Cet article invité a été proposé par Pierre Cocheteux, auteur du blog Vaincre-les-risques-psychosociaux.fr.
Quel est le dirigeant d’entreprise qui ne cherche pas aujourd’hui à maximiser la rentabilité de son affaire ? Il existe aujourd’hui un nombre considérable de stratégies pertinentes et efficaces qui permettent de maximiser la rentabilité des entreprises parmi lesquelles figurent par exemple la chasse aux gaspillages, la maximisation de l’utilisation des machines de production, l’étude des meilleures stratégies de tarifications, le marketing, etc.
Idée reçue : améliorer la santé des travailleurs alourdit les charges de l’entreprise.
Certaines légendes ont la vie dure, et parmi elles, celle selon laquelle la prise en charge par l’entreprise de l’amélioration des conditions de travail coûte beaucoup plus d’argent à l’entreprise qu’elle ne lui en rapporte.
En effet, j’ai rencontré peu de chefs d’entreprise qui envisageaient l’amélioration de la santé au travail comme une méthode pertinente de maximisation de la rentabilité de l’entreprise.
L’amélioration de la santé au travail est une méthode pertinente de maximisation de la rentabilité de l’entreprise.
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Dans la plupart des cas, ils perçoivent l’article L 4121-1 du code du travail comme une contrainte qui alourdit les coûts de l’entreprise plus que comme un véritable outil de gestion des ressources humaines.
S’il est vrai que cette loi rend l’employeur responsable de la santé physique et mentale des travailleurs de son entreprise, elle est aussi une véritable occasion de s’interroger sur le coût réel que représente une masse salariale en mauvaise santé.
Spécialiste de la prévention et de la gestion des risques dits psychosociaux, j’ai une idée précise de ce que peut représenter, pour une entreprise, le coût d’une mauvaise politique dans ce domaine.
Que sont les risques psychosociaux ?
D’après l’INRS (L’institut National de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles) les risques psychosociaux regrouperaient :
- le stress au travail,
- les violences internes (commises au sein de l’entreprise par des salariés : conflits, brimades, harcèlement moral…),
- les violences externes (commises sur des salariés par des personnes externes à l’entreprise),
- l’épuisement professionnel (ou burn-out),
- les formes de mal-être, de souffrance et de malaise ressenties par les salariés.
Toujours d’après l’INRS, les risques psychosociaux trouveraient leur origine dans des causes communes telles que la charge de travail, le manque de clarté dans le partage des tâches, l’intensification du travail, l’organisation du travail, les modes de management, etc.
Ces causes peuvent interagir entre elles, par exemple une surcharge de travail pouvant augmenter le stress des travailleurs et favoriser l’apparition de violences entre les salariés, qui, à son tour, augmente le stress.
Combien coûtent les risques psychosociaux aux entreprises en France ?
On peut mesurer le coût économique des risques psychosociaux dans les entreprises en se basant sur des données objectives et chiffrables telles que le taux d’absentéisme, le nombre d’arrêts maladie, le nombre d’accidents du travail, le taux de présentéisme, le nombre de conflits dans l’entreprise etc.
D’après une étude de l’INRS sur le sujet, «Le coût global du seul stress au travail évalué sur une année représenterait un montant de 1,9 milliards d’euros pour les salariés (27,8 millions de personnes) exposés au moins 75 % de leur temps de travail au stress et de 3 milliards en prenant en compte les salariés exposés au moins 50 % de leur temps de travail au stress.
L’étude précise que « ces résultats ne sont qu’une évaluation minimale d’une réalité bien supérieure », du fait de la prise en compte d’une définition limitée du stress et de seulement trois types de pathologies associées. Et ce travail ne prend pas non plus en compte toute la dimension du coût pour l’individu (souffrance, perte de bien-être…)».
Un exemple
Un pharmacien me contacta parce qu’il y avait un turnover important dans son personnel depuis plusieurs années et qu’il n’arrivait pas à trouver un assistant qualifié pour le seconder dans son entreprise. Nous convînmes ensemble d’un diagnostic RPS et d’un accompagnement dans la mise en place d’option pour sa pharmacie.
Le diagnostic RPS réalisé par entretien individuel auprès du personnel montra très vite plusieurs points d’accroche :
- Difficulté du dirigeant à donner des consignes claires,
- Travail régulier dans l’urgence,
- Responsabilités non définies,
- Manque d’information et de formation pour les nouveaux arrivants,
- Clientèle difficile composée en grande partie de personnalités agressives,
Après validation avec l’ensemble de l’équipe officinale (composée à l’époque du pharmacien titulaire, d’une assistance en CDD, de deux préparatrices et d’une personne pour l’entretien), j’ai proposé la mise en place d’un groupe de réflexion interne pour faire des propositions concrètes dans le but de trouver des options réalistes sur l’ensemble de ces points.
Au bout de quelques mois de réflexion, le groupe ainsi constitué proposa les idées suivantes :
- Faire une formation au management pour le pharmacien titulaire et son assistante,
- Demander à l’expert comptable de la pharmacie de réaliser des fiches de postes pour chacune des fonctions de l’entreprise, qui seraient annexées au contrat d’embauche,
- Réalisation d’un planning par défaut prévoyant les taches récurrentes et les assigner à tour de rôle à l’ensemble des membres de l’équipe,
- La mise en place d’un processus d’intégration des nouveaux membres du personnel incluant une présentation détaillée de la fiche de poste, une présentation officielle de l’ensemble de l’équipe et du nouveau, un tutorat de deux mois du nouveau par un ancien, etc.
- Une formation systématique à la gestion de la violence et de l’agressivité.
Résultat : dans les mois qui ont suivi l’intervention, l’assistante qui était sur le point de quitter la pharmacie était embauchée en CDI. L’ensemble du personnel a montré une plus grande motivation et s’est mit à faire des propositions d’amélioration augmentant ainsi le chiffre d’affaire de la pharmacie de 7% dans l’année suivante. Le personnel se stabilisa faisant baisser les frais relatifs à la recherche et à l’embauche de nouvelles personnes.
D’un point de vue comptable, les frais occasionnés par ma prestation auprès de l’entreprise furent rentabilisés en deux ans.
Conclusion
L’intégration dans la politique de l’entreprise de processus de décision qui intègrent les principes généraux de prévention chercheront à éviter les risques, à évaluer ceux qui ne peuvent être évités et à combattre leurs sources. On s’attachera à adapter le travail à l’homme, plutôt que l’homme au travail, et à remplacer ce qui est dangereux par ce qui l’est moins. Le tout en tenant compte de l’évolution des techniques, en planifiant la prévention, en intégrant des mesures de protection collective et individuelle, en donnant des instructions claires et appropriées aux travailleurs, et en intégrant le tout dans le document unique de l’entreprise…
Si la mise en place de cette démarche peut demander l’intervention d’un expert spécialisé dans ce type d’assistance, le montant que représente à court terme ce service est largement rentabilisé sur le long terme par les économies qui seront générées pour l’entreprise.
Cet articlé invité a été proposé par Pierre Cocheteux, le partenaire de votre santé au travail. Titulaire du Certificat Européen de Psychothérapie et praticien agréé, Psy’G
Pierre Cocheteux est analyste transactionnel certifié, formateur et superviseur spécialiste en prévention et gestion des risques psychosociaux. Il est également l’auteur du blog vaincre-les-risques-psychosociaux.fr
Bonjour, merci beaucoup pour l’info, C’est intéressant